Pompe funèbre Ébano

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Je suis heureux de constater qu’aucun désastre n’a marqué le début de cette entreprise au sujet de laquelle je nourrissais de si mauvais pressentiments. Je suis arrivé ici il y a peu de temps et ma première tâche est de me familiariser et d’instaurer mon affaire.
Il me fallait trouver un thème nouveau, une matière, pour l’allégresse, qui sorte à l’évidence du registre du chagrin de la perte d’un semblable. Pompe funèbre ne doit pas évoquer la peine ; le client doit se sentir bien accueilli il me semble...

Dans un bâtiment jaune, j’ai choisi un intérieur simple exprimant une certaine tranquillité ; les murs lilas pâle, le sol d’un beigne fané, des fenêtres horizontales laissant la lumière pénétrer et danser sur le sol, un tapis rouge sang, et des chaises et un bureau jaune chrome aux allures d’antiquité. À l’entrée, des brochures pour informer les ayants cause ; ‘’ Les obsèques selon le culte, que faire en cas de décès, prévoyez dès aujourd’hui, et cætera… ‘’
Dans la ruelle de la gaieté, ma compagnie prend les airs d’un café enjoué, on ne peut pas la rater.

Heinrich marchait tranquillement dans la rue quand il vit cette petite boutique de pompes funèbres. Il n'en connaissait pas beaucoup, puisqu'il venait d'arriver. En fait, il n'en connaissait aucune, ici. Il se dit qu'un bon médecin comme lui doit avoir des ressources, et des contacts. Il entra donc.

"Bonjour ! Je m'appelle Heinrich Wundertäter, enchanté. Je suis médecin, fraîchement arrivé, et je me suis dit que ça pourrait être agréable de rencontrer des poneys. Très belle moustache."

La licorne comptait bien l'amadouer, pour peut-être, passer un marché.

Je baignai dans le silence quand un individu pénétra dans les lieux et me sortit de mon congé. J'hésita un instant après ses salutations ce qui prolongea le silence. Je passai mon sabot sur ma crinière pour rejeter mes cheveux en arrière, regarda à nouveau l'homme étrange, puis lui sourit et dit bonjour.
"Certes, ai-je dit, il faudra que je pense à la barbifier. La votre est tout autant sympathique... Oh ! J'en perds mon latin ; bienvenu à l'entreprise de pompe funère Ebano. Ecanta Ebano pour vous servir, que désirez-vous donc ? ''

Heirich regardait le patron de la boutique. Ce poney avait, sans aucun doute, ce qu'on appelle la classe. Il ne devait pas venir d'ici... Pour l'instant, le médecin n'avait rencontré que des bouseux. En plus, il était de bon gout !

"Dîtes-moi, vous n'êtes pas d'ici, si ? Vous semblez presque trop bien pour cette ville... Enfin bref, je ne venait pas pour vous complimentez, mais pour vous demander quelque chose en rapport avec votre profession. Mais d'abord : Considérez-vous l’éthique au dessus de tout ? "

Il semblait eprouver un certain dégoût à l'égard de cette Ville, je ne le conteste pas, je n'ai pas prit le temps de m'intéresser à sa populas. Mais il faut avouer que la Ville, en soit, est bien trop ordinaire et n'évoque aucune recherche architectural ou quoi que ce soit, cela peut déplaire à des êtres au teint 'omniscient' comme lui.
Je ne tarde pas à répondre à sa demande avec le plus de vie possible.
L'éthique ? J'ai passé tellement de temps hors de la société que je ne sais même pas de quelle éthique vous me parlez ! De quelle éthique s'agit-il ? Celle de ces aristocrates qui se mettent une plûme dans le cul pour parader avec leurs airs de guignol hautain, celle de ces timbrés de religieux ou de bouseux qui condamne pour un rien ? Mais sincérement, je ne suis pas quelqu'un qui se veut gentil ou méchant ; je prends les choses au cas par cas... Pourquoi une telle question ?

Heinrich était très intéressé par le poney.

"Un ermite, hein ? Je pensais a une ethique plus... personnel. Refusez vous ce que d'autres appellent le 'non-respect du cadavre' pour de l'argent ? Car j'ai eu une idée... Je pourrais, grâce à mes talents de médecin, utiliser les corps de vos 'clients' pour faire de l'argent. On se partage a la fin. Qu'en pensez vous ? Evidemment, il faut rester discret."

La licorne souriait. Enfin un moyen de gagner un peu plus !

Ce bougre est original, jamais de ma vie je n'aurais cru croiser un tel magouilleur, profitant aussi impunémant des desiderata d'autrui. Avec ce sourire narquois je pouvais apercevoir cette étincelle dans ses yeux, brillant comme le mal lui-même. Je ne sais pas si c'est moi, mais cette demande d'arangement ne me choque pas.

Oh ! Qu'importe ! Quand on est mort on est mort. De plus, moi-même j'ai déjà du machiner en secret avec des cadavres pour mes intérêts... Mais ce que vous me demandez n'est pas rien, au contraire, vous me demandez de mettre ma carrière en péril. Néanmoins cela n'est peut-être pas juste, mais c'est une injustice à mon avantage ! Je dois savoir ce que vous feriez avec, je ne peux faire d'obsèques avec un poney avec une moitié de tête ou sans membre, comprenez-moi. Mais je vous en prie, continuez.

La moustache de Heinrich frétillait sous l'effet de l'excitation de passer un accord, surtout aussi risqué que celui-ci.

"J'aime votre façon de penser ! En effet, on doit pouvoir être utile même après sa mort. C'est une bonne philosophie... de vie." Il rit "Enfin, je ne pensais pas a leur couper la tête... Cela nous rapporterait quoi, a part le vendre a des zèbres pour des rituels, ou ce genre de trucs ? Non, je pensais plutôt a des "prises" d'organes, on remplace ça aisemment par de la paille. Personne ne remarquera rien. Je peux prendre quelques côtes, quelques vertèbres. On peut facilement transformer les os de poneys en colle. Alors, on a un marché ?"

Le médecin souriait en tendant un sabot vers le tenant des pompes funèbres.

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Je ne suis pas encore très sur dans quelle affaire sordide et risquée je m'embarque avec ce malfaiteur. Pourtant, l'idée ne me déplait pas, et je n'ai pas le luxe de me permettre de refuser à l'instant.
Il me tend son sabot, je réfléchie vite, j'hésite à enserrer le sien mais je finis par le faire.
Je le regardais d'un air intéressé et sérieux et dit : '' Ceci est un accord, docteur Wundertäter, mais ne croyez pas que cela concrétise notre modus vivendi... J'ignore totalement qui vous êtes ou comment cela va se passer. Ne vous énerver pas, je tiens simplement à faire en sorte que tout se passe bien pour moi.

Heinrich était fier de lui. Il pourrait ainsi gagner plus d'argent. Et l'argent, c'est bien.

"N'ayez crainte. Si vous faites ça assez prudemment, ça devrait être bon. Je viendrait de temps en temps pour récupérer la 'marchandise'. Bonne chance. Je vais y aller, maintenant. Vous voulez me parler d'autre chose ?"

La licorne se tenait, l'air serein devant le guichet.

Le caractère de ce poney me déplaît de plus en plus. J'ai compris à peu près son attitude. Tout cet aspect travaillé, assuré et orgueilleux, je ne crois pas que cela me plaise vraiment. Ca n'a rien avoir avec nos affaires, j'ai l'impression de devenir de plus en plus froid et distant quand il parle.
C'est à point nommé qu'il décide de s'en aller, j'eus craint durant un instant que ça se change en drame pirandellien.
Je retourne derrière mon bureau

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et je lui dis : '' tout va bien pour l'instant, merci de votre passage. '' Suivi du délicat au revoir.

Heinrich sortit du magasin, satisfait de cette affaire rondement conclue.Il le sentait bien. Ça pourrait marcher. En plus, le gérant des pompes funèbres avait l'air sympa. L'hôpital l'attendait.

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